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Plumes et pinceaux, BMJD

25 juin 2020

A Paris de Bernard DELZONS

 A Paris :

 

Licia et Édouard sont dans le salon de la jeune femme. Il vient de lui raconter une partie de ce qu’il vient de vivre à Faro. Elle est assise devant une table, son portable devant elle, elle tape quelque chose. Le garçon est rêveur il rentre du Portugal où il a rencontré son oncle Kényan. Après toutes les découvertes successives qu’il avait faites les semaines passées, en lisant le manuscrit du frère de sa grand-mère de cœur, il était persuadé que ce garçon était son frère. Jusqu’à ce que la double vérité éclate au grand jour. Ce n’était pas son frère, mais celui de sa mère. Édouard est confortablement assis sur le sofa et caresse Milou la chatte de la maison.

 

Licia, relève la tête et lui demande :

 

-          Je ne trouve pas le mot pour « raconter des histoires imaginaires », tu peux m’aider ?

Édouard lui jette à la figure, un mot en langue hindi.

-       Tu te moques de moi ou quoi ?

-       Désolé, je viens de passer un week-end en famille, l’Hindi est notre langue usuelle.

-       Ok, mais en français tu as une idée ?

-       Je dirais “affabuler”, n’oublies pas, il y a deux “f”

-       Tu te fous… Bon merci, c’est exactement le mot qu’il me fallait, je finis et je te fais un café.

-       Un café, tu n’aurais pas une bière ?

-       Pas d’alcool ici, mais j’ai du sirop de thym. Un délice que fait Mamie.

-       Pas d’alcool ? Je ne te crois pas.

-       Si, j’ai décidé ça, j’avais un peu trop tendance à finir les bouteilles.

-       Ça m’étonne beaucoup moins. Va pour le sirop, il fait tellement chaud.

-        

Licia se lève et revient avec un plateau et deux verres. Elle porte une jolie robe, qu’elle a confectionnées avec un des saris que lui avait donné Édouard. Il l’avait lui-même reçu de sa grand-mère de cœur. Si la jeune femme n’avait pas la peau si claire, elle pourrait passer pour une Indienne. Il l’imagine un instant avec le petit point rouge que les Indiens ont sur le front.

Elle s’installe en face de lui et pose une question comme si c’était la suite d’une conversation arrêtée brusquement. 

 

-       Il est comment ce Kényan, cheveux ébènes, pantalon bouffant, sorte de babouches aux pieds ?

-       Tu me déçois, je ne pensais pas que tu avais tant de préjugés !

-       Décris-le-moi, mon chou.

-       Je ne suis ni ton chou, ni ton lapin, appelle-moi par mon prénom.

-       Mais lequel, le français ou l’indien ? Tu vois, chou c’était plus simple.

-        Il me ressemble, je crois, juste un peu plus âgé, cinq ans peut-être.

-       Tout à fait mon type, n’est-ce-pas ?

-       Il est marié, avec deux enfants.

-       Mais pas à Paris.

-       Tu es ignoble.

-       Allons, je plaisante. Quand est-ce que tu me le présentes ?

-       Tu sais, notre histoire est très compliquée, laisse-nous le temps de réaliser. Quand tout cela se sera décanté, je te promets de t’amener avec nous en Inde.

-       Vraiment ?

-       Vraiment.

-       Tu es adorable, Chou.

-       Encore… je vais t’appeler “Aussi”

La jeune femme s’appelle Félicie. Quand elle donne son prénom, tous ses amis ne peuvent s’empêcher de ponctuer par “Aussi”. 

-       Tu m’as dit que tu lui avais parlé de l’île de Ré, pourquoi ?

-       C’était le lieu de vacances de ma grand-mère Meera quand elle était enfant, avant la guerre. J’y suis souvent allé avec elle quand c’était moi qui étais enfant. Si tu veux, je t’y emmène. Pourquoi pas le week-end après le départ de Kényan ?

-       Je ne veux pas d’une île qui a déjà servi.

Édouard ne répond pas, il a les larmes aux yeux. Licia s’en aperçoit, elle lui demande :

-       Qu’est-ce qui t’arrive ?

-       Mon appartement…

-       Ton appart, je ne comprends pas ?

-       Il a déjà servi !

-       Tu es trop sensible ;

-       C’est ma famille.

-       C’était au siècle dernier.

-       Tu es…comme une sorcière.

Licia s’est approchée pour le calmer, puis elle reprend :

-       Et Camille, comment il prend ça ?

-       Je craignais le pire, le premier contact a été glacial, puis Kényan nous a donné les détails sur sa vie à l’orphelinat et sa rencontre avec l’oncle Georges.

-       Et alors ?

-       C’était plein de poésie. Quand Kényan parle le français, c’est un vrai délice, on se met à rêver. Je voyais Camille dessiner, au fur et à mesure que Kényan parlait ; Camille croquait les scènes comme il les imaginait.  

-       Et alors ?

-       Quand il a vu les dessins, Kényan s’est mis à pleurer.

-       Et alors ?

-        J’étais complètement angoissé, je craignais de perdre ce parent que je venais de retrouver, ou de perdre mon ami.

-       Que s’est-il passé ?

-       Camille s’est levé, il a pris mon oncle dans ses bras et l’a consolé tranquillement.

-       Tu ne te sentais pas de trop ?

-       Toujours le mot gentil !

-       Dis-moi ?

-       Tu sais, ça n’a duré que quelques instants. Ils m’ont regardé et j’ai compris que nous étions bien une famille.

-       Je suis tellement contente, chou. Camille m’a dit qu’il avait lui aussi fait des découvertes. Il t’en a parlé ?

-       Je lui laisserai le soin de te raconter quand il sera disposé.

-       Vilain canard.

-       Il manquait celui-là.

On sonne à la porte, Licia se lève pour répondre. Devant elle, un bel Indien d’une quarantaine d’année les cheveux grisonnants. Il se présente avec un fort bel accent étranger :

-          Je suis Kényan le … Il cherche ses mots

-          Tonton d’Édouard, n’est-ce pas ?

-          Je suis revenu plus tôt que prévu, il n’est pas chez lui

-          Chou, la famille vient d’arriver

 

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25 juin 2020

Le jardin des Mimosas de Bernard DELZONS

Le jardin des Mimosas :

 

C’était la première fois qu’Émile se rendait dans ce quartier, ou du moins c’est ce qu’il avait d’abord cru. Mais quand on lui avait dit qu’il faudrait descendre à la station “Astruc”, il se rappela qu’il était déjà sorti à cet endroit. Il avait regardé sur la carte et il se souvint que c’était pour aller à la clinique du soleil. A l’époque, il été bien trop soucieux pour explorer le quartier. 

 

Il venait là pour un atelier d’écriture chez une dame qui avait proposé son jardin en guise de dé confinement. Il ne la connaissait pas. Il savait seulement qu’ils seraient huit, comme dans le film de Ozon, mais il était au moins sûr qu’il n’y aurait pas huit femmes, puisqu’il serait là. C’était une chance, il n’y aurait pas de plagia. Il s’était demandé s’il devait amener quelque chose. Il avait d’abord pensé à des fleurs, mais apporte-t-on des fleurs rue des Mimosas. Il s’était dit que non et s’était reporté sur des gâteaux. Il aurait bien amené des “conversations”, mais ce serait malvenu pour un atelier d’écriture, on n’y papote pas, On y vient pour exercer sa plume. Alors, il avait pensé à des “jésuites” ou “religieuses”, connotation trop religieuse, pensa-t-il, pourquoi pas des “éclairs”, il n’y avait pas ici les “éclairs de génie” qui sont un vrai délice, mais que l’on ne trouve qu’à Paris. C’est en voyant chez le boulanger les magnifiques “sacristains” qu’il s’était décidé. C’était facile à transporter, à manger et en plus c’est gouteux.

.

En entrant dans le jardin, il a tout de suite pensé au jardin de curé du village de son enfance, non pas celui du prêtre, mais celui de sa grand-mère où chacun passait pour une petite boisson, une petite confidence, ou simplement un moment de répits après l’agitation de la journée. Il voyait tous ces gens défiler, depuis sa petite taille d’enfant et il écoutait ce qui se disait, tout en jouant avec ses petites voitures. Il en avait appris des choses : Que la voisine avait un amant, que le renard avait attrapé deux poules, que le chien du voisin était revenu tout mordu après une escapade nocturne, que la famille Dumoulin n’était pas à l’office du dimanche passé… 

 

Comme il l’avait pensé, il n’y avait que des femmes, mais peut-être viendrait un autre garçon, ils n’étaient pas encore huit. Il avait été accueilli chaleureusement, aussi avec le souvenir de ce jardin passé, il se sentit très vite à l’aise. Quelqu’un sonnait, serait-ce l’homme espéré ? Non, la huitième était bien une nouvelle femme. L’hôtesse fit assoir tout le monde, autour de la table et l’animatrice présenta sa piste d’écriture. C’est quoi ?  Le début de l’histoire que vous allez devoir écrire.

 

Ce jour-là, c’était un extrait de dialogue entre un homme et une femme, le mot mentir revenait plusieurs fois, mais on le retournait comme s’il était trop fort, on se racontait des histoires, Ils cherchaient un mot plus approprié. L’homme avait proposé “Affabuler, avec deux F”.

Puis on comprend que la femme était la nouvelle compagne de l’homme, mais sur une étagère il y avait une photo de l’ancienne à l’île de Ré…

Émile ne sait pas quoi faire, et puis soudain il pense utiliser cette histoire pour en faire un chapitre du roman qu’il est entrain d’écrire. Son héros, Édouard, revient du Portugal où il était allé voir ses parents pour les mettre au pied du mur, il savait qu’il avait un frère. Il voulait la vérité. Mais, là-bas, il avait appris que le frère n’était pas le sien, mais celui de sa mère, son oncle, donc…Il était rentré il y a quatre jours et il venait de sonner chez sa voisine Licia pour lui raconter tout ce qu’il venait de lui arriver. Elle l’avait écouté un moment, puis elle lui avait dit de lui laisser un instant pour finir ce qu’elle écrivait. Oui, ça pourrait marcher, mais il ne voyait pas comment il pourrait introduire l’île de Ré.  Il avait enfin trouvé l’idée, la grand-mère de cœur d’Édouard y passait ses vacances d’été avant la guerre.

 

Émile se mit à écrire, il oublia le jardin et se plongea dans son histoire, les idées venaient plus vite qu’il ne pouvait les écrire. Etait-ce encore vraisemblable ? Un chat blanc de type asiatique se promenait au milieu d’eux. Une jeune fille est sortie de la maison, avec un gros blouson, puis une autre un peu plus tard, avec le même “look”, des ados quoi pensa-t-il.

L’heure avançait c’était maintenant l’heure de rendre les copies. A c’est vrai, on n’est quand même pas à l’école. La dame de la maison nous apporte des assiettes pour manger les “sacristains” avec un délicieux jus de pommes. La pause goûter terminée, on commence les lectures. C’est maintenant le tour d’Émile. Il doit avant de commencer donner le contexte de son histoire, mais c’est difficile, parce qu’elle est compliquée cette histoire, il y a plusieurs époques, celle de la guerre, et celle d’aujourd’hui et des retrouvailles, si on peut employer ce terme ici, entre les deux périodes. Émile se lance, il lit son récit.

 

On reparle du sujet de départ, de Michel Piccoli, de l’éducation des hommes des stéréotypes, les garçons en bleu, avec des ballons et des voitures, les filles en roses, avec des poupées et du maquillage. Les hommes ne doivent pas monter leur sensibilité, ce serait de la sensiblerie, la langue française est plus subtile que ceux qui l’utilisent, pense-t-il. 

 

Émile est perplexe devant les affirmations de ces femmes sur ce que sont les hommes de leur génération. Il est même rêveur. Il se rappelle son enfance, son gout pour les petites voitures, ses jeux de cowboys, mais il pense aussi à son ours, son confident d’alors, il pense qu’on ne l’aurait pas laissé jouer à la poupée, mais avec un ours, pas de problème, les apparences étaient sauves. Il revoit son père emprunt de colères subites, qui devait affirmer son autorité, il pense que sa mère savait, comme personne, ramener le calme dans la maisonnée. Était-ce vraiment ça ? N’est-ce pas lui qui affabule, avec deux « F ». Il a découvert, plus tard, que ce père qui lui faisait peur était sensible et fin psychologue. Il était malheureusement parti trop tôt. 

Lui, Émile, avait toujours été le bon fils, raisonnable, bon élève…Mais, il s’était enhardi, il avait fait une demande pour faire la coopération en lieu et place du service militaire. Il avait osé dire ça à son père, dans une famille de militaire, dont on doit toute la notoriété à la mort au combat d’un illustre aïeul. Le père avait manifesté de l’incompréhension, mais lui le petit dernier avait été soutenu par un frère et une sœur. Finalement son choix avait été accepté. Ses parents étaient même venus le voir en Algérie. Il les revoit, le père craintif comme lui quand il était arrivé, (la guerre d’Algérie n’était pas si lointaine), et la mère tout à fait décontractée dans les rues de la ville où il avait fait son service national, il y était professeur. Il les avait même emmenés visiter la famille d’un de ses élèves. D’abord gêné, le père s’était détendu et certainement ravi de cette expérience.

 

Émile se tait, mais il sent un peu isolé devant cette attaque en règle, mais il se rend compte qu’il se sentirait nettement plus mal à l’aise au milieu d’une équipe de football, pleine de testostérone.

Il est l’heure de se quitter, le ton redevient léger. Le jardin reprend sa place et essaime sa sérénité. On se congratule, on se dit au revoir et au prochain atelier. C’est les choses de la vie, non ? 

Émile sort et se dirige vers la station de Tram, “Astruc”.  Ce quartier est plein de jardins, il faudra qu’il revienne avec son chien pour le découvrir un peu plus. Son chien, c’est un labrador noir, il l’a appelé : Meera comme la grand-mère de cœur de son roman.

 

 

24 juin 2020

Un moment de détente de Bernard DELZONS

Boulevard Saint-Germain

 

Édouard avait raccompagné Kényan à l’aéroport de Roissy, le CDG, quel horrible nom, “Charly airport” ça aurait une autre gueule, non ?  Il avait décidé de traduire le roman de Georges, mais aussi d’y ajouter tout ce qu’il avait appris depuis sa découverte. Il avait cependant besoin de temps pour laisser décanter toutes ces informations comme le bon vin au fond de son fût. Son ami Camille était parti en Espagne à la recherche d’information surtout le mariage de sa grand-mère. Licia avait rencontré deux jours plus tôt, le nième homme de sa vie. Bref il était livré à lui-même ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Qu’allait-il faire ? Se mettre au travail. Non pas aujourd’hui, pensa-t-il. C’était une trop belle journée. Il se rappela soudain un endroit qu’il aimait bien fréquenter quand il était étudiant. Il partit donc vers ce lieu qui lui remémorait des souvenirs heureux.

Dans le bus, cependant, il pensa qu’il n’y aurait sans doute pas de place en terrasse. Il se dit un instant que le déplacement ne valait pas la peine, s’il devait se confronter à cette dure réalité, Il n’y aurait pas de place en terrasse. Il faisait beau, le bus avançait, il n’eut pas le courage de rebrousser chemin. Il descendit à la station la plus proche. Le cœur serré, il s’approcha du célèbre “Mabillon” sur le boulevard Saint-Germain. Il était sur le trottoir d’en face, pour pouvoir observer, c’était plus pratique qu’en passant au raz des gens assis.

Comme il l’avait craint, il n’y avait pas de place pour lui. Dépité, il allait repartir quand il vit deux jeunes filles se lever pour s’en aller. Alors il fonça, traversa sans regarder, pour s’assoir au plus vite. Un immense coup de frein le fit revenir à la réalité. Il venait de manquer de peu de se faire écraser. L’homme de la voiture lui hurlait des horreurs, mais qu’importe. Il finit de traverser et s’installa sur une des places toujours disponibles. Un instant toute la terrasse n’eut d’yeux que pour lui, mais une fois installé, il retomba dans l’anonymat le plus total.

Un serveur vint lui demander ce qu’il désirait, boire ou manger. Il pensa un instant au sirop de thym de Licia, mais préféra commander sa bière préférée. Le serveur parti, il se demanda si c’était bien approprié de commander une “Mort Subite” après tous les évènements tragiques qu’il venait de découvrir.

Alors il oublia les dernières semaines et se concentra sur ce qu’il voyait.

Il vit d’abord un jeune homme blond, avec un polo vert clair sur un bermuda marine. Il le vit comme une pomme qu’on a envie de croquer, mais qui ne s’avère pas assez mure quand on a mordu dedans. 

Puis ce fut un acteur, spécialiste de second rôle au cinéma, comme à chaque fois, il ne retrouvait pas son nom.

Un peu plus loin, il remarqua une sorte de mendiant, mais il repéra que vu les vêtements qu’il portait, certes sales, il avait sûrement de l’argent. Il avait lui-même hésité à s’acheter cette chemise un peu baba-cool, mais y avait renoncé, devant le prix exorbitant que le vendeur lui avait annoncé. Il se remémora aussi la remarque désobligeante de l’homme qui lui avait suggéré d’aller chez Tati pour trouver des vêtements à sa mesure. Il n’avait rien contre Tati, mais l’apostrophe était bien pour le blesser. Depuis il avait soigneusement boycotté cette boutique.

Son regard se porta alors sur des voisins de tables plus proches, en réalité deux dames, assez chiques, avec un caniche noir, un caniche nain, au moins petit format. Le chemin était à terre, mais il commençait à s’agiter. Une des dames sortit de son sac une serviette qu’elle posa sur son pantalon noir. Elle prit le chien et l’installa sur ses genoux. Édouard remarqua qu’il avait une petite culotte. La dame dit à son amie que la petite caniche était en chaleur. Le serveur venait de leur apporter un plateau avec des glaces. Toutes occupées à se raconter leur dernières emplettes, mais aussi les derniers potins sur leurs amis communs, elles avaient oublié le chien qui venait de finir une glace à la vanille.

Édouard se dit qu’il pourrait, bien lui aussi, manger une glace, après tout, il n’avait pas de chien et pourrait la déguster tranquillement. Il regarda la carte, mais avant les sucreries, il vit une assiette de charcuterie du cantal qui irait beaucoup mieux avec sa bière. Il n’avait rien mangé depuis son petit déjeuner copieux, “Bacon and Egg”. Il fit signe au serveur et au dernier moment se rabattit sur une omelette aux girolles. Il salivait déjà rien qu’en y pensant.

 

Sur le trottoir il aperçut Mirko, la dernière personne à qui il avait envie de parler. Il ne fallait pas qu’il le voit. Son autre voisin avait un journal sur sa table, alors il lui demanda l’autorisation de le feuilleter. Ce n’était pas du tout dans ses habitudes, mais c’était un cas de force majeure. Il se dépêcha de déplier le périodique et se cacha au mieux derrière. Quand il vit que Mirko était assez éloigné, il allait rendre le journal quand le garçon sembla faire demi-tour. Mais au feu il traversa le boulevard.

Le voisin avait repéré le manège d’Édouard, il engagea la conversation, édouard ne put faire autrement que d’y répondre.

-       Un importun ?

-       Un sale type surtout.

-       Voilà quelque chose d’interessant, vous pouvez m’en dire un peu plus.

-       Je vous demande pardon.

-       Je l’ai aussi rencontré, il est venu m’importuner, il voulait me proposer un scénario, une histoire d’enfants juifs confinés pendant la guerre.

-       Il a osé, c’est une triste histoire, mais ce n’est pas la sienne

-       Vous m’intriguez

-       C’est une histoire de famille compliquée et ce garçon cherche par tous les moyens à se l’approprier. 

-       Une possibilité de scénario ?

-       Vous en feriez un avec l’histoire de votre famille ?

L’homme s’était levé en tendant une carte de visite. C’était un metteur en scène bien connu sur la place de Paris. Édouard le regarda s’éloigner, soulagé de ne pas en avoir dit plus, trop content de préserver son anonymat pour ses activités professionnelles.

Il revint à ses observations, le petit caniche venait de finir la deuxième glace.

Le téléphone d’Édouard, sonna, il n’avait pas envie de répondre. Il regarda qui appelait, c’était Camille, alors, il décrocha.

-       Oui

-       Pas très chaleureux tout ça.

-       Je suis à la terrasse du Mabillon, je ne peux pas parler

-       Je te rappelle ce soir, je suis certain que ma grand-mère était la sœur de Joseph Cohen.

-       Quoi, ce n’est pas possible, on ne peut pas être parent.

-       Mais on n’est pas parent, mon chou

-       Pas de ça, avec Licia ça suffit largement. C’est ça dernière lubie, c’est comme ça qu’elle m’appelle maintenant.

-       A ce soir, mais qu’est-ce que tu manges, tu parles la bouche pleine.

-       Une omelette aux girolles.

-       Sale type, sans moi !

 

Édouard pensa qu’il venait d’employer ce terme. Camille avait raccroché.

Édouard regarda sa montre, il fallait qu’il rentre, il devait rédiger un article sur un restaurant qu’il avait visité la semaine passée avec Kényan. Il lui avait découvrir un endroit exotique et en sa présence il était certain d’être passé pour un simple touriste.

Il se leva et rentra chez lui. Il salua les dames, avec un petit sourire en coin, ironique. Elles venaient de se rendre compte que le chien avait mangé leurs glaces.

 

20 mai 2020

Le jardin d’emilie




16 mai 2020

émilie : de Bernard DELZONS

Émilie :

 

Je suis une vieille femme. Je m’appelle Émilie. Je viens d’avoir quatre-vingts ans. Certains disent que je n’ai pas toute ma tête. Moi je peux vous dire qu’elle marche encore assez bien pour percevoir toutes les bêtises qu’on entend chaque jour. Je suis installé dans un petit appartement d’une résidence pour personne âgée depuis un an. J’avais des vertiges , c’est ce qui m’a décidé à faire ce saut dans l’inconnu. Je n’ai jamais aimé faire la cuisine, aussi je suis très heureuse de ne plus avoir à le faire. Et dans l’ensemble les repas sont corrects.

 

 Le plus difficile a été de m’adapter et trouver mes repères avec les autres pensionnaires. Il y a une majorité de femmes mais heureusement quelques hommes. C’est avec eux que je m’entend le mieux. Il y en a bien un qui a voulu me montrer son service trois pièces, mais il y a longtemps que ça ne m’intéresse plus, aussi il a été éconduit sans frais. Mais j’ai deux admirateurs avec qui je suis complice. Il y a d’abord Edgar mon poète, il me lit des poèmes, mais c’est surtout quand il me dit des mots doux que mon corps frissonne.  Firmin, en vérité, je devrais dire « Firmine », il est d’origine espagnole, est mon informaticien particulier. Il m’a appris à me servir d’Internet. Il m’a installé Facebook et il voulait me mettre aussi “Tweeter”, mais j’ai refusé, je ne vais quand même pas rivaliser avec Donald Trump !  Au début je me suis bien amusé avec Facebook, mais je me suis vite lassé. Je recevais sans arrêt des publicités pour faire des tricots ou des ouvrages de couture, sans doute à cause de mon âge !. J’ai surtout vite été énervé par les commentaires que font les gens, chacun croit qu’il détient la vérité et qu’il a raison contre tous les autres. Quand il s’agit de politique, je “Zappe”, vous voyez je suis moderne.

J’ai quand même une ou deux copines avec qui je refais le monde et on ne se prive pas de faire des remarques sur nos compagnons de résidence, de vraies gamines, vous dis-je..

 

J’ai été marié avec le même homme pendant trente-cinq ans, puis un jour, il est parti doucement. Je l’ai beaucoup aimé, mais avec le temps, il a eu quelques aventures. J’aurai pu m’en désespérer. Mais non, j’ai décidé d’en faire autant et de préférence de choisir des hommes plus jeunes que moi. J’étais plutôt belle femme, aussi j’ai eu un certain succès. Je faisais ça discrètement pour ne pas faire de mal à mon époux. Je pensais que la différence d’âge n’avait pas d’importance, mais il a fallu se rendre à l’évidence, Si tout se passe bien à certains âges, à un moment, les hormones ne marchent plus au même tempo et l’harmonie des couples ne fonctionne plus.

 

J’ai eu un fils, Je pense que j’ai été une bonne mère. Je me suis beaucoup occupé de lui, mais en lui laissant une assez grande liberté. Quand il s’est marié, j’étais très contente jusqu’au moment où il m’a annoncé que sa fiancée était croate. J’avais peur qu’ils partent là-bas et que mes petits enfants grandissent loin de moi. Ça na pas été le cas et ma belle fille est adorable. Ils ont un garçon et une fille. Le garçon est « Gay » comme on dit maintenant. Mon fils était furieux et il a même un temps rejeté le gamin qui est venu se réfugier chez moi. On est devenu très complice tous les deux. J’ai été la première à connaître son petit ami. Il est charmant, aussi j’ai organisé une petite fête pour mon anniversaire.  Quand mon petit-fils est arrivé avec son copain, j’ai cru que son père allait peter les plombs  (vous voyez je suis jeune). Paulo est allé vers son père et l’a embrassé. Mon couillon de fils s’est mis à chialer, puis il a pris le gamin dans ses bras.  Fabien était resté à l’écart, sur la réserve et très tendu. Mais Jacques s’est avancé vers lui et lui a tendu les bras.  Tout le monde avait les yeux mouillés.

Aujourd’hui je suis triste, je viens d’apprendre que ma cousine Fernande était décédée. Elle avait l’Alzheimer, la pauvre. La dernière fois que je l’ai vu, elle ne m’avait pas reconnu, elle me prenait pour ma mère.  Je perds la mémoire, j’espère que ce n’est pas ça qui arrive.

 

Pour m’occuper, quand je ne suis pas avec mes amoureux, je fais de la peinture et j’ai même fait une exposition dans le salon de la résidence. Vous ne me croirez peut-être pas, mais j’ai vendu tous mes tableaux. Ça égaille les murs blancs des appartements, voilà la vraie raison plutôt que mon talent.

 

A midi on nous a présenté un petit nouveau. C’est un bel homme. Il m’a bien regardé. Je vais essayer de m’assoir à côté de lui au déjeuner. Mais ça ne sera pas possible, les enfants viennent me voir. La Patricia, va se précipiter. Heureusement elle est bêtasse. J’attaquerais demain.

 

C’est ce que j’ai fait. On a tout de suite bavardé avec plaisir. Il est auvergnat, il était professeur de français, il écrit des contes. Vous vous rendez compte ! Je lui faisais du charme avec un peu trop d’insistance. Alors il m’a regardé droit dans les yeux et il a dit : « Je vous aime bien, Emilie, mais je suis « Gay ». Puis il a souri, et il a ajouté : « je pense qu’on peut-être de bons amis, non ? »  

 

J’étais furieuse, j’avais accepté mon petit fils, mais je me sentais frustré de ne pas pouvoir entamer une relation amoureuse. Si j’avais pu, j’aurais tourné les talons sans demander mon reste. Une femme est arrivée pour lui faire la cour. Alors j’ai pris plaisir à la voir faire, connaissant d’ores et déjà le résultat de ses avances. Je me tenais un peu à l’écart, mais pas trop loin. Il m’a regardé et il m’a fait un clin d’œil. En un instant je lui avais pardonné et je venais de comprendre qu’il voulait réellement que nous devenions ami.  Je lui ai présenté mes deux amoureux et nous faisons des parties de cartes endiablées.

 

Je suis une vieille femme , par moment je perds un peu la tête. Je ne sais plus si on est aujourd’hui ou hier ou demain. Je m’appelle Émilie. Je viens d’avoir quatre-vingts ans.  Mon mari va me rejoindre pour aller déjeuner au restaurant.  C’est encore un bel homme.  Certains disent qu’il est homosexuel. Je vous garantie que non, nous avons eu quatre enfants. Tiens voilà le curé, Il s’approche, je le connais, à oui c’est mon fils. Je perds la tête c’est malheureux, moi, une si belle femme diplômée de la faculté. 

 

-       Alors Émilie comment ça va aujourd’hui ?

-       Mais très bien cher monsieur, mais qui êtes vous ?

-       Je suis votre aide soignant.

-       Mais je vais très bien, je n’ai besoin de personne.

-       Votre petit fils va venir vous voir.

-       Mon petit-fils ?

-       Oui votre petit-fils.

-       Jacques ?

-       Jacques, c’est votre fils.

-       Mon fils, Il ne vient pas ?

Je me suis levé et tout à coup, tout est redevenu clair, je savais qui j’étais et qui était Paulo. Je savais où j’étais, mais ce n’étais pas une résidence pour Sénior, c’était un EHPAD, On m’avait mis là parce que je me perdais dans la rue. 

On vient me chercher pour aller au restaurant.

 

Je donne le bras à mon père, c’est le jour de mon mariage, j’ai mis ma plus belle robe, c’est la guerre.

On entre dans la salle, il y a un énorme bouquet. J’entends des applaudissements. Un homme parle :

« Émilie, vous êtes notre doyenne, nous sommes heureux de célébrer avec vous, vos cent ans. »

 

Je n’écoute plus, je vois mon fils se rapprocher. Il m’embrasse et me sert dans ses bras. 

-          Bonjour Mamie c’est une belle fête.

-          Mais où est ton père ?

-          Mamie rappelle toi, il est mort, il y a cinq ans

-          On ne me l’a jamais dit. Et cette jeune femme à côté de toi qui est-ce ? Ta fiancée ?

-          C’est Fanny ma sœur, ta petite fille.

-          Fanny, je me souviens, elle jouait avec Rému.

-          Ta petite fille.

-          Viens ici ma chérie, il faut que je t’embrasse.

Le maire arrive avec un bouquet. Il s’approche pour dire quelque chose. Paulo, le prend par le bras et l’éloigne.

 

C’est un bel homme, si j’avais dix ans de moins, je lui aurais bien fais la cour. C’est triste de vieillir. Quelle joie de te voir ma petite Fanny. Mais où est ton père ?

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11 mai 2020

On sort ce soir ?

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11 mai 2020

Une petite sortie

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11 mai 2020

Point à la ligne de Bernard Delzons

Point à la ligne.

 

Merci à vous tous qui m’avez encouragé à continuer ces chroniques du confinement. Aujourd’hui ce sera la dernière en espérant qu’on ne revivra pas une telle situation de si tôt.

Tous les personnages étaient imaginaires. Je ne suis ni le juge, ni son chat. J’avais écrit une nouvelle avec ce personnage c’est comme ça qu’est venu l’idée de le réutiliser pour ces petites chroniques.

 

Dans les semaines qui viennent je voudrais essayer de faire publier un deuxième roman « Familles décomposées, rencontre improbable entre l’âpre Lozère et la brûlante Algérie » qui raconte la rencontre de deux familles que tout oppose sauf que…

 

Mais j’ai aussi attaqué l’écriture d’un troisième roman dont le personnage principal découvre petit à petit les secrets qui entourent sa vie et celle de l’immeuble dans lequel il vient d’aménager.

 

Léon-Paul, Prosper, Arthur et les autres vous embrassent.

 

Je vous souhaite à tous un bon dé-confinement, prenez soin de vous et restez prudents, Covid-19 est toujours là prêt à nous contaminer, aussi dès lundi j’avance Masqué.

 

Si certains ont envie de relire ces chroniques, je suis disposé à vous les envoyer.

 

11 mai 2020

Julien de Bernard DELZONS

Julien :

 

26 Mars :

 

Si les mots pour dire les choses ne viennent pas naturellement, il en est tout autrement dans ma petite tête. Il parait que je suis autiste, mais pas trop. J’ai beaucoup de mal à communiquer avec les gens. Mais il y a des exceptions. Avec mes parents ce n’est pas trop compliqué. Mais quand je suis arrivé dans cette nouvelle ville j’étais très mal. Mon père ne pouvait pas s’occuper de moi, il est médecin et il était en première ligne face au virus. Il m’a confié à son voisin. Je voulais m’enfuir. Je tapai des pieds et je tentai de donner des coups de poings à l’homme chez qui j’étais. Alors j’ai aperçu une boule de poil qui se cachait derrière un canapé. J’aime beaucoup les chats. Certains m’adoptent, mais d’autres me fuient. Avec celui-là tout se passa bien. Il s’est laissé caressé. L’homme m’a dit que le « minou » s’appelait Prosper. Quand le chat a entendu son nom, il est allé vers son maître qui l’a pris dans ses bras. Je l’avais suivi. L’homme s’est assis par terre avec le chat sur les genoux. Je me suis assis à côté et le minet est revenu vers moi. L’homme s’est levé et il est revenu avec des croquettes pour Prosper et des langues de chats pour moi. Je voulais crier, et, de nouveau, taper du pieds. Mais je n’y arrivai pas. Prosper était sur mes genoux. L’homme a mis les croquettes dans une gamelle. Le chat s’est levé, a reniflé ce qu’on lui avait apporté et il a commencé à manger. L’homme a pris ma main. J’ai essayé de la retirer, mais il la tenait ferme. Alors il s’est mis à susurrer « une chanson douce que me chanter ma maman ». Je le regardai incrédule. Il m’a tendu un gâteau. Je le jetai. Prosper est allé le sentir. L’homme s’est levé, il s’est approché du piano et il s’est mis à jouer. Je me suis levé. Je ramassai le gâteau et je le rejoignis près du piano. Il y en avait un dans l’institution où j’étais dans l’autre ville. Il m’a regardé avec un sourire. Il m’a montré les touches et m’a autorisé à essayer moi-même. Devant le piano, il y avait un tabouret à deux places, il m’a fait assoir à côté de lui. Prosper a grimpé sur ses cuisses. L’homme s’est remis à jouer, à un signal je devais taper sur une des touches blanches. Au bout d’un moment je me suis mis à chanter. Il m’a dit qu’il s’appelait Léon-Paul et qu’il était juge pour enfant. Il m’a tendu une autre langue de chat, que j’ai, cette fois, manger. J’ai du mal avec les noms. Alors je l’ai appelé « Lé ».

 

Le reste de l’après-midi se passa sans problème. Mais quand il a fallu aller se coucher, j’ai piqué une crise. Je ne voulais pas, je ne voulais pas me mettre en pyjama, je ne voulais pas prendre mon bain. Lé n’a pas insisté, il a ouvert le lit, puis il y déposa le pyjama. Dans la salle de bain j’entendais l’eau couler.

Prosper est rentré dans la chambre, il s’est mis à miauler. J’ai voulu le toucher, mais il est reparti pour aller dans la salle d’eau. Le bain était prêt. Prosper se coucha dans un coin. L’homme sortit, puis revint avec le pyjama, et une serviette qu’il a posé sur une chaise. Il a simplement dit : « Je te laisse avec Prosper, prend ton bain, quand tu seras habillé, appelle-moi. » Il est sorti, en poussant la porte. Je me déshabillai rapidement et me glissai dans l’eau. Il y avait un petit bateau qui flottait au grès des vagues que je faisais. Un moment j’oubliai où j’étais. Puis de loin je l’entendis me demander si j’étais prêt.  Je me dépêchai et une fois en pyjama je le cherchai. Il était au piano. Il s’est levé, m’a pris la main et m’a conduit dans la chambre. Il a ouvert le lit et m’a fait signe de grimper. Il a tiré la couverture sur moi et m’a fait un baiser sur le front.

 

On avait sonné à la porte. Je reconnu la voix de mon père. Il m’avait expliqué qu’il ne pouvait pas s’occuper de moi à cause du Virus. Mais de loin il m’a souhaité une bonne nuit. Ils ont encore échangé quelques mots, puis j’ai entendu la porte se refermait. Lé est revenu dans la chambre. Prosper était monté sur le lit. Il lui a donne une caresse. Il m’a fait un sourire, puis il a éteint la lumière. On y voyait un peu avec les lumières de la ville. Je l’entendis un moment circuler dans l’appartement. Je me suis endormi avec Prosper sur mes jambes.

 

Dans le salon le juge jouait sur son piano la belle chanson de Christophe : « Les mots bleus ».

Il fut interrompu par la sonnerie du téléphone.

-       Allo C’est toi Aïcha ? …Oui l’installation s’est mieux passé que ce que je craignais. Comment se passe ton retour au Maroc ? …Tu me manques…Ho ! zut il s’est réveillé, il arrive dans le salon, il faut que je raccroche … Je te rappelle plus tard Bisou.

Après avoir posé le récepteur, Lé va vers le jeune garçon qui lui demande si c’était sa copine. Le juge lui fait un sourire et tout en faisant le signe avec son doigt de garder le silence, il répond en chuchotant : « Oui ». Il ramène l’enfant dans sa chambre.

 

10 mai :

 

Je suis descendu dans le jardin avec maman. Il fait gris et il parait qu’il va pleuvoir. J’aperçois Prosper au loin avec Lé. Je cours vers eux. Prosper se cache dans les herbes. Mais ce n’est pas lui mon ami, c’est le juge. Je vais vers lui, il m’attrape et me fait sauter en l’air. Puis il m’embrasse sur les joues avant de me reposer à terre. Quand ma mère arrive, elle lui fait aussi une bise. Papa est maintenant revenu chez nous. Il commence à pleuvoir, Lé me donne la main et on cherche le chat. Alors je lui demande comment va Aïcha, il rougit mais il fait un sourire qui illumine son visage. Il n’y a que moi qui sait qu’il est amoureux.

Il attrape Prosper et on se précipite dans l’immeuble pour échapper aux grosses gouttes qui tombent.

 

*****

Je ne suis pas sûr que ce soit réaliste de faire parler un jeune garçon autiste comme je viens de le faire, mais ça me faisait plaisir de lui donner la parole.  

 

11 mai 2020

L'oncle de Bernard DELZONS

L’oncle :

 

L’homme est seul dans son appartement. Il est encore en robe de chambre. Il a entrepris un long monologue comme il fait presque chaque matin. Seul Arthur son perroquet vient l’interrompre de temps à autre. En fait il parle de son neveu le juge.

 

-          Ce petit m’inquiète, il lui faudrait une compagne…ou un compagnon, ça me serait bien égal. Mais tout seul tout le temps, ce n’est pas une vie ! En plus il est très sociable. En société, il a toujours un mot pour chacun et il est bien apprécié, me semble-t-il. Il est assez sportif et il fait souvent dès randonnées avec des amis. Quand il travaille, il se donne à fond, mais il sait se divertir.

-          Tir-tir

-          Comme ses parents avaient de petits revenus et que j’étais un peu plus à l’aise, c’est moi qui est financé ses études. Il a eu tous ses examens du premier coup. Il est travailleur, il n’y a rien à dire, mais ça ne l’empêchait pas de faire de la voile avec ses amis.

-          MIMI

-          Son mariage, une vraie catastrophe, à ne rien y comprendre. Pourtant sa femme était une perle. Quand il m’a annoncé qu’il divorçait, je suis tombé sur le « cul »

-          CU-CU

-          Arrête Coco. Je plaignais le gamin. Mais non ils ont réussi la séparation. Ils s’entendent à merveille et le petit les adore tous les deux. C’est une énigme pour moi. Soi-disant que son travail lui prenait trop de temps. Je crois surtout qu’elle voulait continuer ses recherches aux Etats-Unis. Quand ils viennent, je dois garder Prosper, le petit est allergique au poil de chat. Je ne vous dit pas c’est une horreur ces deux bestioles ensemble.

-          Arthur rrr ! Miaou….oooo

-          Quand on parle de lui, il fait son malin, je vais le mettre dans le noir !

-          Sapajou ! Mille sabords ! Poil à gratter !

-          Sa petite voisine est bien jolie, j’avais pensé qu’il pourrait se mettre ensemble, mais quand je lui en ai parlé, il a éclaté de rire. Il est bien avec la concierge, mais là non plus, il n’a rien voulu savoir. Et son copain handicapé, là aussi c’est un mystère, il le promène deux fois par semaine. Avant le confinement il le conduisait dans une salle de sport. Il m’a dit qu’il s’entraînait ensemble. Le médecin lui a dit qu’il n’était pas responsable de l’accident. Au lieu de prendre ses distances, il s’en occupe deux fois plus.

-          Miaou…ou ou

-          C’est comme avec moi, il est trop gentil. Je ne suis pas son père, enfin pas tout à fait. Je suis veuf depuis des années. Je n’ai jamais voulu me remarier. Je suis seul, mais bien entouré et je suis bien comme ça. 

-          Poil au zizi

-          Il est peut-être comme moi. Mais lui est jeune, les hormones doivent encore le travailler. Il y a quelques années, j’avais une relation avec une femme, mais nous vivions séparément. Peut-être c’est son cas, mais il ne veut rien me dire. Avec sa greffière ? Non ça n’est pas possible, elle est adorable, mais je ne l’imagine pas au lit avec lui. Avec la femme du médecin ? Non plus il est trop honnête pour ça ! 

-          Quoi je me mêle ?

-          Tu as raison, mais je l’aime bien c’est comme mon fils. Enfin lundi on va pouvoir sortir. Il m’a porté des masques et des gants. Je suis équipé. Mais j’ai encore un peu de mal à marcher. Malheureusement, je ne vais pas reprendre la piscine tout de suite. Elle reste fermée. Et la plage, j’ai horreur de ça, on a du sable partout ? Ce n’est pas comme lui, il peut rester des heures dans l’eau. Il m’y emmène quelque fois, mais je reste dans le petit café et je le regarde se baigner. Une fois, on était venu avec son pote handicapé. Il l’a porté sur la plage. Il est plus costaud que je ne pensais. Puis il l’a porté dans l’eau. Ils ont joué comme des gosses. Comme j’étais seul avec ce garçon dans la voiture, je lui ai demandé s’ils étaient copains. Il m’a regardé avant de répondre : « bien sûr » J’ai insisté « amants ? » Alors il a éclaté de rire. « C’est mon meilleur pote, mais amants sûrement pas, moi ça ne me dérangerait pas, mais lui c’est un hétérosexuel, De toute façon il a une copine. »

Je n’ai pas réussi à en savoir plus.

-       Currrrieux

-       Tu m’énerve

-       Cacahouète Coco Coco Rico

-       Je m’en occupe il ne se laissera jamais abattre ce coco.

-       Coco faim.

L’homme se dirige vers la cuisine. Mais on sonne à la porte. Il ouvre, c’est le juge qui arrive avec un panier plein de provision.

-       Tonton, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer.

Le Vieil homme, encore dans ses réflexions se réjouit de l’annonce qu’il attend depuis si longtemps.

-       Je t’écoute Petit.

-       Je me suis acheté une nouvelle voiture, tu seras plus confortable quand on ira se promener et je pourrai aussi mettre le fauteuil roulant de Gérôme.

-       Coco Coco cacahouète Coco a faim

Le juge va chercher les graines.

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Plumes et pinceaux, BMJD
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